C’est ce soir : « Cent ans après », Noël Mauberret dédicace un magnifique ouvrage sur Jack London

Samedi 10 décembre à 18h30,
en partenariat avec la bibliothèque de Pujols,
dans votre librairie Livresse
Romain Boissie anime un débat
avec Noël Mauberret
qui dédicacera ensuite

« Les vies de JACK LONDON »
(Éditions La Martinière)

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De très beaux textes

une iconographie magnifique
des inédits,
Michel Viotte documentariste virtuose
et Noël Mauberret spécialiste international de Jack London,
co-auteurs de ce superbe livre,

nous offrent un regard neuf et lumineux
sur ce personnage de légende …
…aux vraies vies multiples!
   

 

 Noël Mauberret, que nous avons le plaisir d’accueillir à Livresse grâce à Romain Boissie, Bibliothécaire à Pujols,  vous enthousiasmera de ses connaissances historiques et anecdotiques recueillies depuis plusieurs dizaines d’années sur Jack London, dorénavant édité dans la Collection La Pléiade chez Gallimard!
Le débat préparé et animé par Romain Boissie dans le cadre de l’événement « 1916-2016; Jack London, un siècle après » qu’il a réalisé en amont de cette rencontre, permettra d’en faire ressortir quelques éléments saillants et historiquement replacés dans la courte vie, mais intensément menée, de Jack London.
Des lectures d’extraits des oeuvres de Jack London par les membres de l’Association « Nous sommes la ville », viendront ponctuer les thèmes abordés au cours de l’entretien!

 

« Les vies de JACK LONDON » fera date dans la bibliographie consacrée à cet auteur le plus lu au monde de son vivant, et constitue une très belle idée de cadeau pour les fêtes de fin d’année!
Noël Mauberret, dont l’expertise reconnue dans le monde entier en a permis cette magnifique édition, le dédicacera en fin de séance autour du pot de l’amitié offert par Livresse.

 

Pour une information plus complète, vous pouvez lire quelques éléments de documentation autour d’entretiens avec Michel Viotte et Noël Mauberret,  ci-dessous
Vous pouvez aussi consulter l’émission qui lui a été dédiée sur ARTE en recopiant  le lien :
https://youtu.be/OsfHkY6bhB8

Editions La Martinière

Michel Viotte, Noël Mauberret

Michel Viotte a réalisé une quarantaine de documentaires destinés à la télévision, principalement Arte et France Télévisions. Ses films, réalisés dans diverses régions du monde (Afrique, Groenland, Amérique du Nord, Amérique Centrale, Australie, Nouvelle-Zélande) abordent des genres très différents, et portent principalement sur l’aventure, la découverte, la mémoire et la création artistique. Il est l’auteur de l’ouvrage La Guerre d’Hollywood aux Éditions de La Martinière (2013).

Spécialiste de l’œuvre de Jack London, Noël Mauberret est directeur de publication de la Collection Jack London aux éditions Phébus, et a personnellement traduit plusieurs ouvrages de l’écrivain. Il a été président de la Jack London Society de 2012 à 2014.


Les vies de JACK LONDON

Un livre aux illustrations souvent inédites qui fait le portrait d’une époque aux contrastes puissants. De la conquête de l’Ouest à la ruée vers l’Or, en passant par la naissance du socialisme et du capitalisme sauvage, à travers le parcours d’un aventurier hors du commun.

Le temps de Jack London est celui de la nouvelle Amérique engagée dans la voie du progrès technique et de l’industrialisation. Lorsqu’il naît le 12 janvier 1876, les Etats-Unis ont cent ans. Cette même année, le 7è régiment de cavalerie du général Custer est massacré par une coalition de Sioux et de Cheyennes à la bataille de Little Big Horn. La conquête de l’Ouest vit ses derniers feux. Jack grandit dans les quartiers pauvres de San Francisco, la Californie étant devenue un Etat de l’Union peu après la grande ruée vers l’or de 1849.Il s’embarquera très jeune pour aller chasser le phoque au large des côtes du Japon, voyage qui l’inspirera pour l’écriture de son premier récit. De retour, il suit les vagabonds le long des voies de chemin de fer et participe à la marche des chômeurs sur Washington. Il est emprisonné à Niagara Falls pour vagabondage, devient socialiste, lit Nietzsche, Darwin, Spencer…
En 1897, il participe à la ruée vers l’or du Klondike mais il attrape le scorbut et sera rapatrié. En 1903, son livre, « L’Appel de la forêt » est un grand succès tout comme « Croc-Blanc » l’année suivante. Il se fait alors construire un bateau et entame un tour du monde qui prendra fin en Australie, où il doit se faire soigner pour différentes maladies tropicales. Il écrit « Martin Eden », roman d’inspiration autobiographique, considéré comme son chef-d’oeuvre. De retour en Californie il organise alors un voyage autour du Cap Horn. En 1916, il démissionnera du Parti Socialiste qu’il trouve trop tiède. Le 22 novembre, il meurt après avoir pris une forte dose de médicaments.


La chronique de Thomas Chauvineau, Les Vies de Jack London, par Michel Viotte

Il est mort il y a 100 ans, le petit pauvre devenu l’homme le plus lu au monde. Jack London, l’homme du Grand Nord. L’homme dont la vie est un roman. Plusieurs romans, en fait.

Jack London est mort, il y a bientôt 100 ans. C était le 22 novembre 1916. Et à cette occasion, les éditions de La Martinière publie Les Vies de Jack London, un livre de Michel Viotte, avec de très belles et très nombreuses photos dont beaucoup sont signées London. Une fois écrivain reconnu, de nombreux journaux lui ont demandé de couvrir des évènements, la pauvreté à Londres, la guerre en Corée… Il était aussi photographe.

D’ailleurs Jack London a été beaucoup de choses, autant d ‘expériences qui ont nourri ses romans, pas un hasard si le livre s’appelle « les vies » au pluriel de Jack London.

A 10 ans, à 10 ans seulement, il a déjà été vendeur de journaux, livreur de glace, balayeur dans les saloons. A cette époque là les enfants des pauvres, c’est de la main d’oeuvre pour les grands trusts industriels. Jack à 14 ans travaille dans une conserverie. 18 à 20 heures par jour.

Les rares moments de libre, soit il lit, soit il fait de la barque avec son père adoptif dans la baie de San Francisco. C’est là qu’un jour il voit un drôle de manège, des bateaux un peu bizarres, qui s’approchent des parcs à huitres et ni vu ni connu embarquent quelques sacs. Les parcs à huitres sont détenus en grande partie par les compagnies ferroviaires. Les huitres se vendent bien au marché noir par ce qui s’appelait à l’époque des pilleurs d’huitres. Une nuit de pillage, c’est un mois de salaire à la conserverie. Donc Jack London, devient pilleurs d’huitres. Et écrivain. C’est là, avec cette expérience qu’il puise l’idée de son premier roman, La Croisière du Dazzler, l’histoire d’un mousse embarqué sur un bateau de pilleurs d’huitres.

A partir de ce moment là, tout ce que vit Jack London finit dans l’un de ses romans. Et des romans, il y en a, des nouvelles aussi, Jack London a une règle de conduite à laquelle il n’a jamais dérogé. Tous les jours, il écrit au moins 1000 mots.

A 17 ans il s’embarque sur bateau pour aller chasser des phoques sur la mer du Japon là encore c’est l’objet d’une histoire Les Morts Ne Se Relèvent Pas. Quelques temps plus tard il part chercher de l’or, dans le grand nord. De là viennent ses romans les plus connus, Croc Blanc et L’ Appel De La Forêt, l’histoire d’un chien domestique qui se retrouve dans ce milieu sauvage, le double animal de Jack London. Chercher de l’or au Canada ce n’est pas aller faire du ski aux 2 Alpes : des rivières à traverser, de l’eau glacée, des marches à n’en plus finir, un col à 1000 mètres d’altitude avec une paroi très raide et couverte de glace à escalader, en trimballant tout le matériel du chercheur d’or, les vêtements chauds, la tente… Des hommes meurent d’épuisement de chutes ou sous les avalanches.

Et puis il fait tellement froid. Jack London écrit « une seule nuit au Klondike, c’est comme en passer 40 dans un frigo » Il a cette pensée magnifique, à propos du grand nord « Là, personne ne parle. Tout le monde pense.Chacune prend sa véritable dimension, j’ai trouvé la mienne. »

Il est aussi un voyageur politisé

Il travaille dans plusieurs usines, jusqu’à un ras le bol, un suicide en fait, celui d’un de ses collègues licencié. Lui démissionne. Pour ne plus être pris au piège de ce capitalisme sauvage. C’est le début de sa pensée socialiste. Il prend sa carte au parti Là encore son expérience de vie se transforme en roman, Le Talon De Fer, un livre dans lequel Jack London imagine la prise de pouvoirs par les socialistes des Etats- Unis. Bon ça ne marche pas dans le livre, comme dans la vie, et la classe ouvrière finit écrasée sous le talon de fer des capitalistes.

Beaucoup d’Américains lui reprochent cette pensée trop à gauche, mais en Russie, c’est 30 millions de livres vendus ! Et il paraît même que Lénine sur son lit de mort a demandé à sa femme de lire un passage de Jack London.

Des femmes, il en a eu plusieurs, évidemment, mais celle qui qui a compté, c’est la dernière. Intellectuelle, féministe, engagée, de 5 ans son ainé, elle s’appelle Charmian Kittredge. Ils vivent ensemble une période idyllique à la campagne. Il y a une photo géniale où on les voit tous les deux en train de faire de la boxe. Parce qu’il l’a initiée à son sport préféré. De là un autre livre évidement, La Vallée De La Lune, l’historie d’un couple qui s’exile à la campagne, où il découvre le bonheur de vivre en harmonie avec la nature.

Ce qui n’empêche pas de conserver le goût de l’aventure. Ils font construire un bateau pour faire le tour des iles du Pacifique, les plus sympas comme Hawai, ou Les Marquises mais aussi les plus inhospitalières comme les iles Salamon, à l’époque c’est moustiques et cannibales. Mais des voyages comme ça dans les années 1900, ça use… D’autant, que même s’il fait du sport, il picole pas mal Jack. L’alcool c’est l’objet d’un livre également. Il attrape de nombreuses maladies dans ses voyages. Les reins foutus.

Il disait « la fonction propre de l’homme est de vivre et non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie je veux bruler tout mon temps. » Il a réussi. Il est mort à 40 ans, en étant, au moment de sa disparition l’homme le plus lu dans le monde.


Editions La Martinière

LES VIES DE JACK LONDON

Michel Viotte, Noël Mauberret

Cet ouvrage, publié à l’occasion du centenaire de la mort de Jack London, retrace au travers d’une iconographie exceptionnelle le destin hors du commun de l’auteur mondialement connu de L’Appel de la forêt, de Croc-Blanc ou de Martin Eden ?et montre de quelle façon sa vie aventureuse inspira toute son œuvre.

28 octobre 2016

Jack London, auteur mondialement connu de L’Appel de la forêt, de Croc-Blanc ou de Martin Eden, s’impose comme l’un des maîtres du roman d’aventure.
Cet ouvrage, qui accompagne le documentaire-fiction réalisé par Michel Viotte, retrace au travers d’une iconographie exceptionnelle son destin hors du commun et montre de quelle façon sa vie aventureuse a inspiré toute son oeuvre : sa jeunesse pauvre aux côtés des pirates de la baie de San Francisco, sa découverte du Grand Nord lors de la ruée vers l’or de 1897, son expérience de grand reporter et photographe, son engagement pour le socialisme, son exploration des archipels des mers du Sud à bord de son voilier le Snark, son rêve terrien sur son exploitation agricole de la vallée de Sonoma…

Entretien avec Michel Viotte

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Comment est née l’idée de ce livre ? 
Michel Viotte : J’avais très envie de parler de Jack London. C’est un écrivain qui incarne l’enthousiasme, l’esprit d’entreprise, le dynamisme et le sens de l’aventure. C’est le mythe de la réussite aussi, du self-made-man qui est devenu l’un des écrivains les plus connus de la planète. J’ai travaillé deux ans sur ce projet qui comprend un film, un livre et même une exposition.

Comment avez-vous procédé ?
M. V. : Nous avons entrepris d’importantes recherches iconographiques. Jack London était passionné de photographie et il n’a cessé de prendre des photos ou de se faire photographier. Le fond photographique est d’une richesse et d’une dimension romanesque incroyables. J’ai également eu accès aux manuscrits originaux de Croc-BlancL’Appel de la ForêtMartin Eden et La Croisière du Snark, qui sont détenus à la Huntington Library à Los Angeles, ainsi qu’à sa correspondance. Certains documents reproduits dans le livre sont publiés pour la première fois.

Pourquoi « Les vies » de Jack London ? 
M. V. : Je voulais montrer tous les grands aspects de sa vie : le Grand Nord, bien sûr, que tout le monde connaît. Quand on a grandi avec les récits de Jack London, il y a une très grande émotion à découvrir la genèse de Croc-Blanc ou de L’Appel de la forêt. Mais il y a aussi la vallée de Sonoma, en Californie, où se situe son ranch, ses racines américaines, et la Polynésie, où il marchait sur les traces littéraires de Stevenson… Son exploration des archipels des mers du Sud à bord du Snark est beaucoup moins connue du grand public. Je voulais restituer toutes les facettes du personnage en mettant en permanence en résonance la vie et l’oeuvre de Jack London puisqu’elles sont intimement liées.

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Les Vies de Jack London
Michel Viotte, avec la collaboration de Noël Mauberret
256 pages – 35 €
En coédition avec Arte Editions

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FILM ÉVÉNEMENT Diffusion du documentaire-fiction réalisé par Michel Viotte sur Arte le 3 décembre, à 20h50, à l’occasion du centenaire de la disparition de l’écrivain.

ACTU EXPO Exposition « Jack London dans les mers du Sud » au musée de la Vieille-Charité, à Marseille, à partir de mai 2017.


Jack London Redonner toute sa profondeur au texte

Propos recueillis par Guillaume Chérel
Jeudi, 9 Décembre, 1999
L’Humanité

Entretien avec Noël Mauberret, l’un des plus éminents spécialistes français de Jack London, à qui l’on doit cette réédition et ces nouvelles traductions.

La France possède, grâce à Francis Lacassin et aux éditions 10/18, les éditions complètes de Jack London depuis le début des années quatre-vingt. Pourquoi avoir retraduit ses principaux livres ?

Noël Mauberrret. Je précise tout d’abord que je travaille en étroite collaboration avec Jeanne Campbell-Reesman, dont les travaux aux États-Unis font autorité, et que nous, nous allons rendre hommage à l’immense travail de Francis Lacassin dans l’ouvrage consacré au Vagabond des étoiles, qu’il préfacera. Lui-même a souvent reconnu que les traductions de Paul Gruyer, surtout, et Louis Postif, commençaient à dater sérieusement. Nous avons eu l’autorisation du fils Postif, François. Les traductions des livres de London datent de l’entre-deux guerres. Elles étaient destinées à la jeunesse. Des paragraphes entiers ont souvent été tronqués ou édulcorés.

Vous avez des exemples ?

Noël Mauberret. Dans le Peuple d’en bas, pour des raisons politiques – nous étions alliés aux Anglais -, ils ont coupé les attaques contre le roi d’Angleterre de l’époque… Un autre exemple ridicule, les Indiens Inuits des Enfants du froid n’ont ni des kayaks ni des canoës, mais… des pirogues ! Et ils habitent dans des cases… au lieu d’igloos. Ça, c’est chez Gallimard, où l’on publie la version de 1914 de l’Amour de la vie, le livre que se faisait lire Lénine sur son lit de mort… On est en pleine époque coloniale, alors on traduit avec des termes africains. Le reste est à l’avenant… Nous avons donc travaillé sur les éditions originales.

Oui, mais pourquoi traduire The People of the Abyss, le Peuple d’en bas… au lieu du logique Peuple de l’abîme, bien plus joli, et qui existait déjà en 10/18 et chez Robert Laffont (collection Bouquins) ?

Noël Mauberret. Je vous comprends. Moi, j’aurais préféré les Gens du gouffre… Je m’explique : London partageait le pessimisme de H. G. Wells, et il connaissait les livres d’Aldous Huxley, qui évoquait le  » Peuple gouffre  » Il démarquait deux univers, deux strates, dans Londres : l’une en haut, à l’ouest, et l’autre en bas, à l’est… Nous avons voulu nous démarquer des premières traductions, en insistant sur l’idée  » d’en bas  » En vivant vers l’est, les pauvres glissent vers le bas.

Tiré par les cheveux… Ce choix peut tromper le lecteur, amoureux de London ou pas, lequel peut croire qu’il s’agit d’un inédit, ou d’un livre qu’il ne connaît pas encore…

Noël Mauberret. Ce n’était pas le but. Dans les Enfants du froid, il y avait des erreurs de termes géographiques et d’appellations. Outre les énormités déjà citées,  » falaises  » était remplacé par  » montagnes « , par exemple. Mais globalement, ce n’était pas trop grave pour la compréhension du livre, tandis que dans le Peuple de l’abîme, traduit par Luis Postif, il y avait de gros manques… et son fils en convient. Il a eu l’amabilité de nous laisser reprendre ce qui n’allait pas… (en réalité le nouveau travail de traduction a été fait par Noël Mauberret et Robert Strick, de chez Phébus. Le tout supervisé par Jeanne Campbell-Reesman qui connaît vraiment tout sur London, NDLR). Autre exemple : il y a vingt-sept citations en exergue des vingt-sept chapitres initiaux… Alors qu’il n’y en a que trois dans l’édition Postif. Dont un est un contresens total… d’après un poème de Swinburne.

Le cas type, c’est The Call of the Wild, traduit mollement par l’Appel de la forêt, par la comtesse de Galard (sic) au début du siècle… avec lettre-préface de Paul Bourget. Dans le premier numéro de la revue Europe consacrée à London, en 1976, Pierre-Pascal Furth souligne déjà que le  » wild « , terme générique intraduisible, devrait être remplacé par un synonyme  » régional  » de causse, maquis, brousse, jungle, pampa ou steppe… Voire sauvage. S’ensuit une révision en règle des traductions de Gruyer et Postif.

Noël Mauberret. Effectivement, il aurait fallu traduire  » l’Appel du sauvage « , ou de la force…, voire  » l’Appel vital « . London était trop moderne, trop réaliste pour son époque.

Quels sont les prochains livres de London retraduits ?

Noël Mauberet. Une vingtaine sont prévus, mais pour le moment, il n’y en a que cinq de programmés. Le prochain, en février, sera John Barleycorn (traduit le Cabaret de la dernière chance, en référence au First and Last Chance Saloon…) ; Jean Grain d’orge dans le langage populaire… Puis, il y aura le Vagabond des étoiles (The Star Rover) et la Patrouille de pêche (Tales of the Fish Patrol, traduit les Pirates de San Francisco, par Louis Postif).


BibliObs : Pourquoi retraduire tout Jack London? (2010)

Trop longtemps considéré comme un écrivain pour la jeunesse, l’auteur du « Loup des mers » et de « Martin Eden » a fini par s’imposer en France comme un auteur majeur, notamment grâce au formidable travail de Francis Lacassin. Les éditions Phébus ont repris le flambeau, en se lançant dans une réédition intégrale de Jack London. Entretien avec Noël Mauberret, maître d’oeuvre de cet énorme chantier

Né en 1876 à San Francisco, Jack London est mort à l’âge de quarante ans dans son ranch de Glen Ellen, en Californie, en 1916. Il laisse derrière lui plus une cinquantaine de livres.

BibliObs.- Depuis 1999, vous avez entrepris de donner une édition soignée des oeuvres complètes de Jack London. Comment en êtes-vous venu à faire ce travail ?

Noël Mauberret.- Deux voies m’y ont conduit. Mes lectures d’enfance, d’abord, comme tout le monde. J’ai lu « Croc Blanc » ou « l’Appel de la Forêt » autrefois, et quand j’étais au lycée, j’étais tombé sur « le Loup des Mers », que j’avais adoré. Puis, une partie de ma famille étant en Californie, j’ai été remis en contact avec l’univers de London. Je suis originaire des Hautes-Alpes et il y a une tradition d’émigration vers la Côte Ouest des Etats-Unis. Après Waterloo, cette émigration républicaine a pris le chemin de San Francisco. Du coup, j’ai plein d’ancêtres qui ont vécu dans ce coin-là. Quand les anciens venaient nous visiter, l’été, ils nous parlaient du grand homme de la région, Jack London. Vous imaginez l’effet que ces conversations pouvaient produire sur un gamin de douze ou treize ans, dont le seul horizon était la crête des Alpes.

BibliObs.- Vous avez donc lu Jack London, à l’époque, dans les années 60, dans la Bibliothèque Verte, chez Hachette ?

  1. Mauberret.-Oui. Puis je l’ai redécouvert dans la collection 10/18, grâce aux rééditions faites par Francis Lacassin dans les années 70. Il a alors republié toute l’œuvre de London.

BibliObs.- La Bibliothèque Verte n’était pas très fidèle au texte…

  1. Mauberret.-Non. Les textes étaient coupés, parfois généreusement, et les traductions étaient édulcorées. L’ennui, c’est que 10/18 a souvent repris les mêmes versions, sans en changer un mot ni rétablir les manques.

BibliObs.- Qui avait fait les traductions ?

  1. Mauberret.-Louis Postif. Il avait du mérite, cependant. C’était un petit gars né dans le Doubs en 1887, orphelin de bonne heure. Il avait été liftier, sténo, et avait appris l’anglais en décrochant une bourse pour aller en Grande-Bretagne. Il avait appris l’espagnol tout seul, puis l’allemand et le russe dans un camp de prisonnier en 1914. C’est là, un jour de cafard, qu’il a découvert « Croc blanc », puis l’a proposé à Pierre Mac Orlan après la guerre. Plus tard, il a traduit plus de quarante auteurs différents, en livrant une dizaine de livres par an ! Citons James Olivier Curwood, Agatha Christie, H. de Vere Stacpoole, Liam O’Flaherty. C’est Postif, grâce à un travail acharné, qui a fait connaître Jack London en France. Malheureusement, les éditeurs ne voulaient pas entendre parler des textes « sérieux » de London. Les romans d’aventures, d’accord. Les autres œuvres, pas question. Postif est mort en 1942, sans avoir pu forcer ce barrage.

BibliObs.- C’était un bon traducteur, n’est ce pas ?

  1. Mauberret.-Absolument. Entre 1918 et 1940, il a fait un travail remarquable. Les éditeurs, eux, se chargeaient de coupes ou des arrangements. Dans « le Loup des Mers », ainsi, il manque deux chapitres en édition 10/18. Les chapitres techniques et les débats philosophiques sur Nietzsche sont supprimés.

BibliObs.- Et l’édition Robert Laffont ?

  1. Mauberret.-Celle-ci a repris les mêmes textes sans rétablir les manques ou les erreurs. Je vois que la collection « Bouquins » chez Laffont ressort London aujourd’hui, c’est la même chose. Ni rectification ni correction.

BibliObs.- Francis Lacassin a pourtant travaillé dessus ?

  1. Mauberret.-Oui, il a fait d’excellentes préfaces, pour resituer les textes. Mais ne les a pas réparés. Il n’a pas consulté les manuscrits originaux.

BibliObs.- Il a fait revivre des textes non publiés en France, quand même…

  1. Mauberret.-Ces textes avaient été traduits par Louis Postif, mais Hachette ne les avait pas publiés. Postif avait tout traduit, tout! Lacassin a puisé là-dedans et, avec beaucoup de talent, a fait ses propres groupements. Jack London, de son vivant, avait publié deux recueils politiques, « Révolution »et « la Lutte des classes », et Lacassin a fait son mélange dans « Avec vous pour la révolution ». Il a aussi rassemblé pas mal de nouvelles, dans des recueils. Mais ce ne sont pas de recueils voulus par London. Par exemple, les récits de boxe…

BibliObs.- Mais il faut lui rendre justice.

  1. Mauberret.-Bien sûr. Il a fait revivre Jack London dans les années 70, à un moment où celui-ci était oublié. Il faut lui rendre hommage, c’est sûr.

BibliObs.- Combien de volumes, chez Phébus ?

  1. Mauberret.-Nous travaillons sur l’intégralité des œuvres de Jack London. Nous avons publié déjà 36 volumes chez Phébus. Je pense que nous irons jusqu’à 44. Mais contrairement  à 10/18 et à Robert Laffont, nous reprenons les textes originaux en anglais, et on les complète. Au besoin, on les retraduit. Par exemple « Martin Eden »ou « les Récits de boxe » que nous avons retitrés « Sur le ring ». Chez Hachette, tout ça était très édulcoré, sans doute destiné à des adolescents de la bonne bourgeoisie des années 30. Ainsi, dans cette édition ancienne, il y a une jeune femme qui dit à son frère boxeur: « Mais je ne comprends pas le plaisir que vous éprouvez à vous battre ainsi !» Dans le texte original, c’est quelque chose comme : « Je ne comprends pas pourquoi tu te tapes dessus avec des gars de ton espèce !»

BibliObs.- Il y aura des inédits ?

  1. Mauberret.-Oui. A la fin, nous publierons la correspondance de guerre, car London avait été correspondant d’un journal pendant le conflit russo-japonais en Corée. Les écrits politiques, dont « le Talon de fer »« Lutte des classes »« Révolution », ont déjà été publiés.

BibliObs.- Ce sera donc l’édition complète ?

  1. Mauberret.-Presque. London avait écrit quatre pièces de théâtre qui n’ont pas eu de succès. J’hésite à republier ça. Et l’intégralité de la correspondance, qui a été publiée intégralement à Stanford, aux Etats-Unis, et je ne sais pas si nous reprendrons tout. Il y a souvent des lettres sur les aspects financiers de l’édition… Pas forcément passionnant.

BibliObs.- Et les reportages ?

  1. Mauberret.-Ils ont été regroupés par London dans « la Croisière du Snark ». Nous les avons repris tels quels. Si bien que l’édition Phébus, une fois terminée, sera la plus complète possible.

BibliObs.- Tout sera terminé quand ?

  1. Mauberret.-On en publie trois ou quatre par an, et tout sera terminé vers 2013.

BibliObs.- Vous partez de quelle édition originale ?

  1. Mauberret.-Je suis chercheur en littérature, agrégé de lettres modernes, j’enseigne au lycée Cézanne à Aix-en-Provence. Je fais partie du bureau exécutif de la Jack London Society aux Etats-Unis, et c’est ainsi que je me procure les textes et les manuscrits originaux à la Huntington Library à Los Angeles. Il y a aussi le site de l’Université de Sonoma, où les manuscrits originaux de London sont en ligne. Mais je vérifie à chaque fois si le texte affiché est fiable.

BibliObs.- Y a-t-il une édition de référence, dans le commerce ?

  1. Mauberret.-En anglais, non. C’est étrange, l’édition française est la plus complète.

BibliObs.- Quelles sont les difficultés particulières d’une traduction de London ?

  1. Mauberret.-Contrairement à ce qu’on pourrait penser de la part d’un autodidacte, le langage est assez élaboré. London ne raturait pas, il donnait un premier jet sans retouches. Si je devais définir le style de London, je dirais que c’est un naturalisme poétique.

BibliObs.- Vous imaginez London en Pléiade ?

  1. Mauberret.-J’ai contacté Gallimard dans les années 70 pour leur proposer, en leur disant que sans Jack London, il n’y aurait pas eu Hemingway, par exemple. Mais ils n’étaient pas intéressés.

BibliObs.- En onze années, ce travail vous a-t-il fait changer de regard sur cet auteur ?

  1. Mauberret.-Oui, en effet. Il faut l’accepter avec ses contradictions. Ce n’est pas un intellectuel, il est toujours dans le premier degré, et il porte bien les contradictions de son époque.

BibliObs.- Par exemple ?

  1. Mauberret.-Il est socialiste, et il veut gagner de l’argent. L’idéal d’un Américain moyen de ces années-là est de devenir riche, sinon on n’est personne. En gros, Jack London, malgré ses hauts et ses bas financiers, est un millionnaire socialiste. Autre exemple : dans « les Mutinés de l’Elseneur », il y a d’affreuses remarques racistes. Dans les nouvelles des Mers du Sud, il y a au contraire une sorte d’anti-racisme anti-occidental, étonnant pour l’époque. En six mois, London peut changer ainsi de position.

BibliObs.- Il est très attachant, néanmoins.

  1. Mauberret.-Oui. Il paie la misère de son enfance, il paie son manque d’éducation, et il dit les choses comme elles viennent, avec spontanéité.