Petit rappel : Né d’aucune femme. Franck Bouysse entretient le mystère à Livresse

 Librairie Livresse
Mercredi 17 avril 2019
de 18h à 20h
Rencontre Dédicace avec
Franck Bouysse

Franck Bouysse écrit dès l’âge de 14 ans, il ne publie qu’à 47 ans. Mais ses livres s’inspirent tous des fascinations éprouvées dans sa jeunesse sur ses terres corréziennes natales. Ils expriment le plus souvent les réflexions de l’homme adulte sur le mal, incompréhensible et répétitif au fil des révolutions sociales, exercé par les puissants sur les faibles.

Né d’aucune femme, qui d’une certaine manière conclue la suite composée de Grossir le ciel, Plateau et Glaise (tous quatre publiés à La manufacture de livres), plonge au plus profond de l’horreur à travers ce que certains appellent un livre choral, pour nous faire découvrir un personnage qui fait éclater la luminosité paradoxale qui peut émaner de l’être humain.

Livre choral parce que les cahiers de Rose confiés au Père Gabriel, le narrateur, ressortis 40 ans après leur « composition », sont écrits et reproduits comme au présent, à la première personne du singulier par Rose qui est donc le personnage central du livre. Pourtant d’autres personnages inquiétants, étonnants, apaisants parfois, prennent corps puissamment et tiennent une place tout aussi importante pour tour à tour engendrer le mystère et finalement le démêler.

La beauté du livre, dans cette histoire sordide et douloureuse d’une jeune fille de 14 ans vendue par son père, pauvre et faible, à un riche bourgeois, Maître de forge vil et violent, tient à plusieurs prouesses littéraires.
Franck Bouysse s’attache à incarner une écriture riche et adaptée à chaque personnage; il déploie une exceptionnelle construction du roman qui, dans sa diversité, ne lâche pas d’un seul mot la douleur accrochée au corps et au récit de la vie de Rose en la maintenant jusqu’à la (presque) fin comme prisonnière d’un temps figé qui n’arrête pas de s’étirer dans ce mal irrémédiable de la soumission forcée; et Franck Bouysse est porté par l’amour pour ses personnages autant que par l’amour qu’il porte à raconter une histoire… qui en dit long sur nous-mêmes, les hommes et les femmes de maintenant et de toujours!

Franck Bouysse aime écrire des histoires, il aime aussi en parler et se prête très gentiment à la discussion littéraire et sociale. Nous aurons également l’immense plaisir de l’écouter lire des passages de son livre, se mettre dans la peau et faire vivre ses personnages, tels qu’il les a pensés et écrits.

Marie-Anne Lacoma, l’éditrice de Franck Bouysse, sera présente à Livresse ce même soir du 17 avril. Nous sommes toujours très heureux d’un tel accompagnement et nous la remercions vivement. Nous pourrons ainsi faire connaissance de plus près avec la ligne éditoriale de La manufacture de  livres, mais aussi et surtout avec le portrait d’auteur que pourra nous faire Marie-Anne Lacoma de cet homme singulier qu’est Franck Bouysse et du « dialogue » qu’ils entretiennent autour d’un titre, ou d’une oeuvre.

Un véritable événement littéraire
à Livresse
Mercredi 17 avril 2019
de 18h à 20h

Venez nombreux enrichir et profiter d’une belle rencontre!

Le pot de l’amitié sera offert par Livresse pendant la séance de dédicace.


À ceux pour qui le mystère est insoutenable et qui souhaitent en savoir plus sur cet auteur et ce roman, voici l’une des très nombreuses critiques élogieuses émises à la publication de Né d’aucune femme :

Le Journal du Dimanche du 30 janvier 2019

Un article de Karen Lajon :

« Avec « Né d’aucune femme », Franck Bouysse « creuse l’obscurité »

Franck Bouysse pioche, sonde, transperce et ravine les sillons de sa prose. Cet écrivain qui revendique haut et fort ses origines du terroir achève la ronde des saisons qu’il avait amorcé dans son premier roman, Grossir le ciel, avec le printemps. Période où pourtant tout commence. L’auteur en a décidé autrement. Né d’aucune femme, titre au demeurant fabuleux, raconte d’une écriture de givre le destin tragique et grandiose de Rose, héroïne de chair et de sang, souillée, abîmée, violée par la main d’hommes veules. Rose qui les transcende tous autant qu’ils sont, Rose la merveilleuse, la lumière de l’auteur, celle pour laquelle il « creuse l’obscurité ».

Il le dit lui-même, il vient d’une lignée de paysans, d’une famille de taiseux. « Les hommes et les femmes à la campagne sont des gens de peu de mots. » Franck Bouysse en fera sa marque de fabrique. A la main, encore, il a tenté l’ordinateur, en vain, il couche chaque jour, très tôt, avant le lever du jour, quatre heures d’affilées, sur un petit cahier d’écolier, ces fameux mots qui feront des phrases puis des histoires. Bien lui en a pris.

 Au fond, Franck Bouysse est un jeune homme. Il a commencé l’écriture très tôt mais n’a sorti son premier roman qu’à 47 ans, l’âge où la majorité d’entre nous se retourne déjà un peu vers le passé. Lui, son avenir commence. Frank Bouysse est entré en littérature comme on entre dans les ordres. Avec une abnégation non feinte. Mots expiés, crucifiés , statués comme les larmes de sang d’une Vierge miraculée, ils vous hantent jusque tard dans une nuit lourde et douloureuse.

Un roman choral, une première pour Franck Bouysse

Tout débute par une mort et des cahiers. La mort de Rose, les cahiers de Rose, son journal secret. Cachés sous sa jupe alors qu’elle gît allongée dans son cercueil. Qui était cette femme que le sombre docteur persiste à ne pas nommer. Gabriel, le jeune curé, va le découvrir bien malgré lui. Page après page, la vie de cette inconnue bouleverse la sienne. Roman choral, une première pour l’auteur, Né d’aucune femme, s’appuie comme toujours chez Franck Bouysse sur des souvenirs d’enfance.

 Les hommes et les femmes à la campagne sont des gens de peu de mots

Cette fois, ce sera ce monastère, personnage presque à part entière dans l’ouvrage, qui vient raviver des peurs profondes. « Je me souviens de cette histoire de filles que l’on vendait en relation avec ce monastère que je connais. Il est là perdu au milieu de la forêt, il se trouve près de ma maison, de celle de mes grands-parents. Il m’est familier. Au fond, dans la trame de mes romans, il y a toujours un lieu et une révolte. »

« Et voilà que le grand soir est arrivé, celui où j’ai décidé de me jeter dans la grande affaire des mots. » Ainsi écrit Rose, la fille de la ferme, la fille du peuple, celle des sans-avenirs. Mais pas celui du destin. Elle a 14 ans, elle vit chez ses parents, elle ne connaît pas encore l’immonde projet que son père lui réserve. Elle est l’aînée, elle sait un peu lire et écrire. Elle ne vaut pas grand-chose, les filles ne valent jamais rien dans le monde des paysans. Pourtant, elle possède une valeur qui lui échappe encore, elle est jeune, jolie, fertile.

Le pacte est faustien, forcément. Vendre sa fille. Pour survivre. Peut-être. « C’était le début du printemps. Il faisait beau… » Le château, le maître, la vieille. Cette dernière s’interroge. Comment s’appelle-t-elle? Peu importe, elle sera « la petite ». Sur le cahier, les mots sont jetés, bousculés : « Mon nom c’est Rose, c’est comme ça que je m’appelle, Rose. » La graine de la révolte, le patronyme, la solution pour ne pas se dissoudre aux yeux du monde et des siens. Frank Bouysse dévoile ici quelques-unes de ses obsessions. L’identité, la réhabilitation. « Je veux rendre aux gens de ce monde leur dignité. C’est un milieu qui m’a fabriqué et qui disparaît. » D’où ce choix méticuleux des prénoms. Ainsi le père se prénomme-t-il, Onésime.

Une héroïne maintenue en vie par son auteur

Les feuilles du cahier s’envolent. Rose y conte une vie de labeur, d’horreur. Les personnages clés se mettent en place. Il y a l’ogre bien-sûr sous les traits de Charles, le maître de forge, le maître tout court. A travers les yeux de Rose, le maître souffle, bouge, la regarde en biais, mange, se resserre, la nourriture de Rose est bonne, le maître se tait. Il y a la vieille, l’albatros maléfique, celle qui a engendré le monstre, celle qui tire les ficelles, celle pour qui la lignée de sang vaut toutes les forfaitures, les abjections. Celle qui regarde l’ogre manger la fillette afin qu’elle même donne naissance à l’enfant de la maudite descendance.

Quand je décris une scène, je suis entièrement dedans. C’est la raison pour laquelle je n’écris que quatre heures par jour.

« Quand je décris une scène, je suis entièrement dedans, poursuit l’auteur. La raison pour laquelle je n’écris que quatre heures par jour. Je suis vidé physiquement. Il me fallait donc des voix écrits à la troisième personne, pour prendre de la distance, pour décoller de mes personnages. Ils me parlent, je ne sais pas comment je vais finir mais il faut que j’aille au bout. »

Point de salut dans cette tragédie. Ce ne sera ni Edmond, ni l’infirmière, ni le curé qui sauveront Rose. Non. Elle le fera toute seule, à sa manière, transformant sa révolte en résistance. Car elle vivra, Rose, bien au-delà, des plans maléfiques de la vieille et du bon docteur. Grâce au talent de Franck Bouysse qui l’a maintenue en vie, lumineuse et éternelle. »